Révolte...

Publié le par Norois

Près de 4 000 stations essence sans une goutte de gasoil, une dizaines d’universités fermées ou bloquées, 300 lycées en ébullition, plus de 1 400 « casseurs » interpellés, sans doute plus de 300 000 manifestants à Paris le 19 octobre, plus de 150 000 à Toulouse, 120 000 à Bordeaux, idem à Nantes… Tout va donc bien dans cette France quasi « à feu et sang »  perçue par une bonne partie de la presse étrangère qui s’en donne à cœur joie depuis trois jours en s’étonnant que des centaines de milliers de branquignols descendent dans les rues pour une question de retraite ! La belle affaire !

 

Car on peut s’humecter les yeux de toutes les façons, changer de lunettes et mettre des loupes, le doute n’est plus permis. C’est bien, à quelques exceptions solidaires près, la France d’en bas qui défile contre une certaine France d’en haut plus grasse et qui décide. C’est bien la France qui se lève tôt, se serre la ceinture et n’arrive plus à boucler ses fins de mois qui tend les banderoles et la France protégée en costard cravate et comptes en banques souvent garnis qui donnent la leçon et s’acoquine avec les marchés. « Personne n’a le droit de prendre en otage un pays tout entier » a dit François Fillon mardi aux députés. Mais qui  est pris en otage par ce projet de loi ? Fillon ? Son statut de Premier ministre, d’ancien député, d’élu local, etc. le préserve de tout charivari professionnel, personnel. Et lui permettra, comme le maire de Bordeaux, de toucher quelques 12 000 € nets mensuels de retraite au titre de son statut d’ancien Premier ministre et d’ancien député !

 

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Depuis une semaine -et ce alors que le « scenario de la rue » ne correspond en rien à celui qui lui avait été vendu par son conseiller social, l’ancêtre Raymond Soubie- Vous Savez Qui persiffle ses habituelles idioties sur la « démocratie où  chacun peut s’exprimer » à condition de dire merci à chaque coup de pied aux fesses politique et de ne point « déborder » ! Ce mercredi encore, à l’issue du conseil des ministres, le président, manifestement dépassé par les évènements dont il ne contrôle plus la chronologie, a de nouveau joué les Cassandre, ou les cyniques. « Cette réforme, j'ai voulu qu'elle soit la plus juste possible, a-t-il osé dire avec l’estomac électoral qui l’électrise. Avec le gouvernement, j'ai été attentif à toutes les propositions, notamment celles des partenaires sociaux, qui permettaient de progresser dans cette voie sans mettre en péril l'équilibre de nos retraites." Trois mensonges, à tout le moins trois assertions discutables en deux phrases !

 

Non seulement, cette réforme est injuste en ce qu’elle pénalisera des millions de travailleurs sans résoudre le chômage endémique des jeunes et des… seniors, mais l’Elysée, pour des raisons strictement électoralistes, est resté sourd à toutes les mains tendues syndicales, notamment celles de la CFDT. Pire, le financement de la réforme en question n’est en rien garanti au delà de 2020, c’est à dire demain… Sa logique, qui aurait voulu que soit organisé en parallèle une grande politique d’insertion des jeunes diplômés et une nouvelle réforme volontariste de la formation permanente permettant d’accompagner les salariés durant leur vie professionnelle et de remettre dans le bain ou de reclasser les cinquantenaires et les seniors pour « nourrir le marché de l’emploi », a été ignorée. Comment, dans ces conditions, s’engager sur un système de droit à la retraite à taux plein à 67 ans ?  Mais cette politique aurait induit quelque contrainte à l’égard du patronat…

 

Pourquoi, en passant, le nouveau rapport Attali sur la « libération de la croissance » a-t—il été bizarrement mis dans un tiroir contrairement au grand ram-dam qui avait présidé la sortie du premier en janvier 2008 ? Parce qu’il explose l’analyse et la politique imprudemment conduite par l’Élysée sur les conseils du… Medef. En proposant en particulier de supprimer la TVA sur la restauration, de financer les retraites au delà du fameux seuil de 2020 en imaginant un système négocié (oh, le vilain mot) de « retraite par points », d’augmenter les droits de succession et les impôts de 25 milliards en direction des plus favorisés, de mieux taxer les revenus du capital et d’instaurer une TVA sociale, on en passe et des meilleures. En bref, de conduite une politique à la fois keynésienne et… libérale au vrai sens du terme en contradiction avec celle symbolisée par la religion du bouclier fiscal. Et d’une croissance qui n’est plus. Après une crise, qui contrairement à ce qu’on nous baratine depuis des lustres, était prévisible, au moins depuis l’année 2000. Encore aurait-il fallu lire et écouter certains universitaires, ces pelés, ces galeux intellos que les officines politiciennes abhorrent…

 

Il reste qu’au prétexte d’une conception césarienne du pouvoir et d’une fantasmagorie de la « réforme », cette entourloupe néolibérale, Qui Vous Savez,  son « collaborateur » et la majorité UMP, ont désagrégé le droit social, précarisé et « flexibilisé »  à outrance le marché du travail déjà « flexible » et précaire, mis le ministère de la Justice dans un désordre sans nom, imposé aux fonctionnaires de police une politique absurde du chiffre tout en les coupant de la population au risque d’un dangereux enfermement de centuries, renoué avec la main mise du pouvoir sur une nouvelle ORTF d’un autre temps, désorganisé l’hôpital public et le système de santé, défiscalisé à outrances au prétexte de libérer l’emploi, privant ainsi la sécurité sociale et la CNAV !de dizaines de milliards d’euros qui lui seraient aujourd’hui nécessaires.

 

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Et que dire du joyeux bordel mis dans le système éducatif par un ministre quasi hilare ou benêt quand il parle d’éducation des maîtres ? De la gravissime foutaise d’un « plan Marshall » des banlieues ? De la suppression comptable, et à la hache, de dizaines de milliers de fonctionnaires ? D’un Grenelle de l’Environnement bidonné et renié comme une taxe carbone oubliée ? De l’envoi de l’armée française  sur un terrain de guerre afghan sans aucun débat au Parlement ?

 

Que dire surtout des comportements ? De cette façon clanique de faire de la politique qui commence au Fouquet’s et se perd dans une affaire Woerth-Bettencourt qui aurait valu démission immédiate dans n’importe quelle démocratie britannique, suédoise ou allemande ! Que dire de ces proximités assumées avec le monde de l’argent, de la très grande fortune, du grand fric provoquant qui s’étalent ? Que dire du langage, parfois de charretier, du « porte parole emblématique » de la fonction présidentielle, des signes de croix romains qui relèvent du racolage électoral et du mélange des genres peu républicain, du sentiment que l’effort collectif n’est plus en rien partagé, que la solidarité, cette vertu républicaine, est biaisée, que seuls les privilégiés de la nomenklatura politico-administrative et financière s’en sortent au détriment des sans grades, de ces millions de gagne petits qui rament et se lèvent tôt, en somme que ce sont « toujours les mêmes qui passent à la caisse quand les autres passent à la casserole » pour paraphraser un slogan parisien ? Que dire de ce sentiment, manifestement partagé,  qu’on prend là haut, tout là haut, le « peuple », les gens, la gauche naturellement, pour des cons ? Une partie de la France dont, au fond, on n’a rien à secouer… Mais c’est peut être tout cela que dénoncent aujourd’hui les porteurs de banderoles.

 

Alors oui, la contestation qui coure sur les pavés, la colère, l’angoisse aussi, qui s’expriment est sans doute loin de la seule contestation du projet de loi sur les retraites.  « L’ouverture n’est pas la déconfiture, la discussion n ‘est pas la reddition, la concession n’est pas l’humiliation » écrit ce mercredi le patron de « Libération », Laurent Joffrin, en demandant au président de la République de « négocier ». Vœu pieux. Car il faudrait pour cela avoir le sens de la complexité des choses, une certaine culture de notre histoire aussi, le goût de la France, cette terre intégratrice, autrefois terre d’asile. Il faudrait, poésie politique d’un autre temps, avoir quelque intelligence de l’esprit à défaut de celui des Lumières, en tout cas le goût de l’échange, du « dialogue républicain », quelque « hauteur sur les choses » comme aurait dit l’Autre. Et là, bling-bling, Rolex, gravure de mode et gros cigare. Avec ce mercredi un CAC 40 en hausse…

 

Citoyens…

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R
<br /> <br /> Je passe, je note, je lis, pas mal...<br /> <br /> <br /> <br />
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